Moyen d’ordre Public Introduction

Par andre.icard le jeu, 28/05/2015 – 07:34

EN BREF : en effet, le moyen peut être d’ordre public , c’est-à-dire que c’est un moyen dont la violation est si grave que le juge administratif se doit de le soulever d’office (il statue “ultra petita”) sans que cela ait été nécessairement demandé par l’une des parties. (Incompétence du juge administratif, tardiveté du recours, défaut d’intérêt pour agir, décision ne faisant pas grief, etc.). On dit que le juge « vient  au secours du requérant ou du défendeur », mais je ne vous conseille pas de bâtir votre stratégie sur cette possibilité, dans la mesure où le juge statue en fonction des pièces qui lui ont été communiquées par les parties, et il n’est pas du tout sûr qu’il soit en possession de la pièce indispensable qui lui aurait permis de soulever ce fameux moyen d’ordre public.

Cependant, cette compétence du juge n’empêche pas l’une des parties de soulever également un moyen d’ordre public qui permettra de rejeter la demande sans que le juge n’ait à se prononcer sur les autres moyens invoqués.

Si le moyen d’ordre public a été soulevé par le juge, la formulation dans le jugement sera « sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête », mais si le moyen d’ordre public a été soulevé par l’une des parties, la formulation dans le jugement sera : « sur l’intérêt à agir (tel moyen), sans qu’il soit besoin d’examiner ces moyens de la requête ».

Moyen d’ordre Public par Me Landot avec commentaires de Me Le briero

Le contentieux administratif est essentiellement « accusatoire ». Le juge n’est pas un enquêteur qui trouve tout seul les moyens à soulever par le requérant et ensuite les moyens en défense. C’est au requérant ou à son avocat de trouver les moyens en attaque. C’est au défenseur ou à son avocat qu’il incombe de trouver à se défendre. 

Donc ce n’est pas au juge de faire les questions et les réponses. Surtout en recours pour excès de pouvoir. Son travail, au risque de schématiser à très très grands traits, est de trier entre bonnes et mauvaises questions, entre bonnes et mauvaises réponses. 

Donc un moyen n’a pas à être soulevé d’office par le juge. Seule exception à cette règle : il existe une catégorie de moyens très importants, et donc que le juge doit vérifier et au besoin soulever d’office. Ce sont les fameux moyens d’ordre public (MOP).

Reste que le juge ne peut soulever un MOP sans avoir invité les parties à réagir (voir par exemple CE, 15 décembre 2016, n°389141 : voir aussi ici pour un exemple récent en plein contentieux).

Inversement, si un moyen n’est pas un MOP, le juge n’a pas à le soulever d’office.

OUI mais à cette règle d’airain, la CAA de Nantes 19NT 01037 vient d’apporter un tempérament malin

Commentaires par Me LE Briero

Mon confrère a raison de souligner que les juges utilisent le MOP un peu comme ils le veulent. J’ajouterai au renfort de Me LANDOT qu’en droit, la violation du droit de l’UE n’est pas encore considérée comme un MOP (alors qu’elle devrait l’être à mon sens).

CAA N° 18NT02211 cours d’eau requalification d’un ruisseau d’écoulement

Demande au préfet du Loiret de procéder à la requalification en fossés des écoulements traversant la propriété de M. de la Selle dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Il ressort de la carte de Cassini et de la carte d’état-major que des écoulements d’eaux courantes sont présents sur la propriété de M. ce qui est de nature à établir l’existence d’un lit naturel à l’origine. Toutefois, il ressort d’un rapport d’expert réalisé en septembre 2015 qu’aucune source ni aucun débit n’a été constaté. L’Etat ne saurait remettre en cause cette expertise en se bornant à soutenir qu’elle a été réalisée lors d’une année de particulière sécheresse, que la présence d’étangs peut masquer l’existence de sources et que l’entier tronçon a été classé en cours d’eau par le conseil supérieur de la pêche en 2006. Si l’expertise de 2006 mentionne la présence d’un écoulement, d’invertébrés aquatiques et d’hydrophytes, ce qui peut attester un débit suffisant la majeure partie de l’année, cette étude est trop ancienne pour contredire utilement l’expertise de 2015. D’ailleurs, il ressort d’une carte publiée en janvier 2019 par la direction départementale des territoires et de la Mer (DDTM) du Loiret que les écoulements de La , en aval de la propriété de M., ont été classés en fossés. Ainsi, le ministre n’établit pas que la propriété de M. serait concernée par un cours d’eau répondant aux conditions cumulatives citées au point précédent.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du préfet du Loiret du 5 août 2015 ainsi que la décision du 11 mars 2016 et a enjoint au préfet du Loiret de procéder à la requalification en fossés des écoulements traversant la propriété de M. de la Selle dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de M. , sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et solidaire est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à M. une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Arrêt n°3054 du 28 janvier 2020 (19-80.091)- Cour de cassation – Chambre criminelle – ECLI:FR:CCASS:2020:CR03054 Cassation Demandeur(s) : Fédération Départementale du Rhône et Métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique Défendeur(s) : Société Suez-Eau France ; et autres Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’en juillet 2018 une pollution a été relevée dans le cours d’eau « La Brévenne », à hauteur de la station de traitement et d’épuration des Rossandes à Sainte Foy l’Argentière, dont l’exploitation a été confiée par le syndicat intercommunal des Rossandes (SIVU) à la société Suez Eau France ; qu’une enquête pénale a été diligentée, que les analyses effectuées ont fait apparaître des taux de concentration en nitrites, phosphates et ions ammonium supérieures aux normes réglementaires fixées par l’arrêté ministériel du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d’assainissement collectif et aux installations d’assainissement non collectif ; que, sur demande de la Fédération départementale du Rhône et de la métropole de Lyon pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDAAPPMA) le procureur de la République a saisi le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement d’une requête tendant à ce qu’il soit enjoint au SIVU et à la société Suez Eau France de cesser tout rejet dans le milieu aquatique dépassant les seuils fixés par l’arrêté du 21 juillet 2015 précité ; que par ordonnance du 5 septembre 2018, exécutoire par provision, le juge des libertés et de la détention a fait droit, sous astreinte, à la requête pour une durée de six mois, que la société Suez Eau France et le SIVU en ont interjeté appel, qu’à leur demande présentée en application du dernier alinéa de l’article L. 216-13 précité du code de l’environnement, le président de la chambre de l’instruction a, par ordonnance du 10 septembre 2018, suspendu l’exécution de la décision du juge des libertés et de la détention jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’appel de celle-ci ; En cet état : Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 216-13 du code de l’environnement et 191 du code de procédure pénale ; “en ce que M. X…, président de la chambre de l’instruction qui a rendu l’ordonnance du 10 septembre 2018 ayant suspendu le caractère exécutoire par provision de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 5 septembre 2018 qui a ordonné à la société Suez Eau France et au SIVU des Rossandes de cesser tout rejet dans le milieu aquatique dépassant les seuils fixés par l’arrêté du 21 juillet 2015, a présidé la chambre de l’instruction qui, par l’arrêt attaqué, a infirmé l’ordonnance ainsi rendue par le juge des libertés et de la détention ; “alors que la chambre de l’instruction, appelée à statuer sur l’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant prononcé des mesures provisoires sur le fondement de l’alinéa 1 de l’article L. 216-13 du code de l’environnement, est irrégulièrement composée si elle est présidée par le magistrat qui, sur le fondement de l’alinéa 6 du même texte, a rendu l’ordonnance ayant suspendu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’appel ; qu’en cet état, la composition de la chambre de l’instruction n’était pas régulière” ; Attendu que le demandeur, qui n’a pas usé de la faculté, offerte par l’article 668 du code de procédure pénale, de demander la récusation du président de la chambre de l’instruction, n’est pas recevable à mettre en cause l’impartialité de ce magistrat à l’occasion d’un pourvoi en cassation ; Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 216-6 et L. 216-13 du code de l’environnement, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; “en ce que l’arrêt attaqué a infirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui avait ordonné à la société Suez Eau France et au SIVU des Rossandes de cesser tout rejet dans le milieu aquatique dépassant les seuils fixés par l’arrêté du 21 juillet 2015 ; “1°) alors que les mesures conservatoires que le juge des libertés et de la détention peut ordonner sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement s’adressent à toute personne concernée par la pollution des eaux sans qu’importe la question de savoir si la responsabilité pénale de cette personne peut être engagée à raison de cette pollution ; que, dès lors, en se fondant, pour infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui avait ordonné au SIVU des Rossandes et à la société Suez Eau France, respectivement propriétaire et exploitante de la station d’épuration des Rossandes, de cesser tout rejet dans le milieu aquatique dépassant les seuils fixés par l’arrêté du 21 juillet 2015, sur la circonstance qu’il n’était pas établi que ces personnes morales puissent se voir imputer la responsabilité pénale des rejets non conformes, la chambre de l’instruction a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ; “2°) alors en tout état de cause que le délit de pollution des eaux prévu et réprimé par l’article L. 216-6 du code de l’environnement est constitué s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; qu’en retenant, pour infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, que la seule constatation des anomalies relevées quant aux concentrations réglementaires dans le cours d’eau « La Brévenne » , à hauteur de la station de traitement et d’épuration des Rossandes, ne pouvait suffire à caractériser une faute de nature à engager la responsabilité pénale de la SAS Suez Eau France et/ou du SIVU des Rossandes sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par le mémoire de la FDAAPPMA, si cette société et ce SIVU avaient, en leur qualité respective d’exploitante et de propriétaire de la station d’épuration, installation classée pour la protection de l’environnement, accompli les diligences normales compte tenu de la nature de leurs missions ou de leurs fonctions, de leurs compétences et des moyens dont ils disposaient, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision” ; Vu l’article L. 216-13 du code de l’environnement ; Attendu que l’alinéa premier de cet article donne compétence au juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, dans le cadre d’une enquête pénale diligentée pour non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 181-12, L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 du code de l’environnement, pour ordonner aux personnes concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l’interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale ; Attendu que, pour infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’arrêt relève qu’il se déduit de l’insertion de l’article L. 216-13 du code de l’environnement dans la sous-section 2 intitulée « sanctions pénales » de la section 2 intitulée « dispositions pénales » du chapitre VI, lequel regroupe les dispositions relatives aux « contrôles et sanctions » du titre du code de l’environnement relatif à l’eau et aux milieux aquatiques et marins que l’intervention du juge des libertés et de la détention est nécessairement subordonnée au constat de l’une des infractions de la sous-section concernée ; que les juges ajoutent que l’enquête de gendarmerie n’est pas de nature à répondre à ces exigences, qu’en effet la seule constatation des anomalies relevées quant aux concentrations réglementaires dans le cours d’eau « La Brévenne » , à hauteur de la station de traitement et d’épuration des Rossandes, ne saurait suffire à caractériser au sens des articles susvisés une faute de nature à engager, à la charge de la société Suez Eau France et/ou du SIVU, leur responsabilité pénale ou l’imputabilité contraventionnelle du non respect des prescriptions réglementaires, alors, de plus, que l’ensemble des parties s’accordent à imputer la responsabilité de la pollution à l’activité de la société Provol et Lachenal pour des déversements industriels dans le réseau d’assainissement ; Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’article L. 216-13 du code de l’environnement ne subordonne pas à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale le prononcé par le juge des libertés et de la détention, lors d’une enquête pénale, de mesures conservatoires destinées à mettre un terme à une pollution ou à en limiter les effets dans un but de préservation de l’environnement et de sécurité sanitaire, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, en date du 9 novembre 2018, Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Dit n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ; Président : M. Soulard Rapporteur : Mme Ingall-Montagnier Avocat général : M. Desportes, premier avocat général Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin – SCP Didier et Pinet – SCP Waquet, Farge et Hazan

CAA Bordeaux N°06BX00747 Fédération de pêche et de protection du milieu aquatique des Deux- Sèvres

Considérant que la rivière « Le Ton » a été polluée le 7 juin 2001 par le déversement d’eaux provenant de la station d’épuration de la commune de Bressuire ; que la FEDERATION DE PÊCHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DES DEUX-SEVRES demande à être indemnisée par la commune et la société OTV France Ouest du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de la pollution

Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que la FEDERATION DE PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DES DEUX-SEVRES n’apporte en tout état de cause aucune précision, ni aucune pièce permettant d’apprécier la réalité de l’atteinte au droit de pêche qu’elle soutient détenir sur la rivière polluée ; qu’il est constant, d’autre part, que la fédération requérante n’a procédé, dans le cours d’eau pollué, à aucun rempoissonnement exceptionnel destiné à remédier aux destructions de poissons consécutives à la pollution ; qu’elle n’est, dès lors, pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

D É C I D E : Article 1er : La requête de la FEDERATION DE PECHE ET DE PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE DES DEUX-SEVRES est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Bressuire et de la société OTV France Ouest tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.